Soutenance de thèse de Abdallah Nassour YACOUB

Ecole Doctorale
Sciences de l'Environnement
Spécialité
Sciences de l'environnement: Géosciences
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
Période Humide Africaine Holocène,Tchad,Tibesti Ounianga,Sahara,diatomées fossiles,d18Odiatomées,
Keywords
African Holocene Humid Period,Chad,Tibesti Ounianga,Sahara,Fossil diatoms,d18Odiatom,
Titre de thèse
Variabilité hydroclimatique dans le Sahara central au cours de la Période Humide Africaine à l’Holocène: contribution de l'assemblage taxonomique et de la composition isotopique en oxygène des diatomées fossiles des paléolacs du Tibesti et du lac Yoa au Nord du Tchad
Hydroclimatic variability in the central Sahara during the Holocene African Humid Period: contribution of taxonomic assemblage and oxygen isotopic composition of fossil diatoms from the Tibesti paleolakes and Lake Yoa in northern Chad
Date
Vendredi 9 Juin 2023 à 14:00
Adresse
CEREGE, Technopôle de l'Arbois-Méditerranée, BP80, 13545 Aix-en-Provence,
Amphithéâtre Pasteur
Jury
Directeur de these Mme Florence SYLVESTRE CEREGE, IRD
Rapporteur M. Mathieu SCHUSTER Université de Strasbourg
Rapporteur M. Victor François NGUETSOP Université de Dschang
Examinateur Mme ANNE ALEXANDRE Aix-Marseille Université, CEREGE
Examinateur M. Abderamane MOUSSA Université de N'Djaména
Président Mme Laurence VIDAL Aix-Marseille Université, CEREGE

Résumé de la thèse

Au cours de l'Holocène, les régions tropicales et subtropicales d'Afrique ont connu des changements climatiques extrêmes, influencés par les paramètres orbitaux de la Terre, qui ont régi les oscillations de la Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT) et celles de la ceinture de la mousson africaine, principaux moteurs des précipitations dans ces régions. Entre 11000 et 5000 cal ans BP, le Sahara a connu une période de précipitations abondantes, appelée la Période Humide Africaine de l'Holocène (PHHA) ou la période du "Sahara vert" marquée par l’extension des surfaces lacustres et de la végétation. Cette phase climatique a entraîné des conséquences notables sur l'histoire climatique, la distribution démographique et la civilisation du Sahara. Bien que documentée à travers une grande partie du continent africain, cette période reste cependant très peu étudiée dans le Sahara central en raison du manque d'archives sédimentaires continues et bien datées car la plupart des lacs se sont asséchés à la fin de la PHHA et les nombreux dépôts lacustres, témoins de cette période ont été érodés. En conséquence, plusieurs aspects de la PHHA ne suivent pas une chronologie uniforme à travers le continent et sont sujets à débat; notamment la variabilité spatio-temporelle des phénomènes climatiques, la détermination précise du début, le rythme de la fin, les limites de la ZCIT, l'origine des masses d'air impliquées ainsi que l'estimation des taux de précipitations. Le présent travail de thèse s'inscrit dans une démarche visant à améliorer les connaissances en utilisant des archives sédimentaires lacustres bien datées et continues, qui couvrent l'intégralité de la période PHHA. Ces archives ont été prélevées dans le lac Yoa, situé à Ounianga Kebir et dans les paléolacs de cratère situés dans les massifs du Tibesti au cœur du Sahara tchadien. Cette étude a permis de reconstruire pour la première fois la variabilité hydroclimatique de la PHHA dans le Sahara central en combinant l’étude de l'assemblage taxonomique et la mesure de la composition isotopique en oxygène des diatomées fossiles (δ18Odiatomées). Les diatomées constituent non seulement d’excellents bio-indicateurs des conditions paléolimnologiques mais aussi présentent l’avantage d’être constituées d’un exosquelette (le frustule) sous la forme de silice biogénique (Si-O-Si) qui enregistre les variations hydrologiques telles que la composition isotopique de l’eau du lac (18Olac) ou encore sa température (Tlac). Cette approche novatrice a permis également, d'estimer, au moyen d'un modèle isotopique simplifié, le bilan hydrologique (Evaporation sur Précipitation E/I) des différents lacs étudiés. Aussi, la conductivité des lacs a été reconstituée à partir d'une fonction de transfert basée sur les diatomées. Deux phases lacustres majeures ont été mises en évdience: (1) Une phase humide entre 10 000 et 6500 cal ans BP, marquée par l’abondance des diatomées planctoniques, des faibles valeurs de la conductivité, des signatures isotopiques appauvries (faibles valeurs de 18Odiatomées et 18Olac) et un bilan hydrologique positif (E/I<1). Cette phase qui a atteint son apogée vers 9300 cal ans BP aurait été favorisée par la migration vers le Nord de la ZCIT qui aurait entrainé ainsi des fortes pluies de la mousson africaine. (2) : Une phase d’aridification, qui débute à partir de 6500 cal ans BP, caractérisée par la dominance des diatomées benthiques, des signatures isotopiques enrichies et un bilan hydrologique négatif (E/I>1). Cette phase relativement aride qui a conduit progressivement vers la fin de la PHHA dans le Sahara tchadien entre 5500 et 5000 cal ans BP serait liée au retrait vers le sud de la ZCIT et par conséquent, des pluies de la mousson africaine. Sur la base du bilan hydrologique (E/I) des différents lacs étudiés, ce travail a permis d’estimer une réduction progressive des précipitations d’environ 40% entre le pic de la PHHA vers 9300 cal ans BP et la fin après 5500 cal ans BP.

Thesis resume

During the Holocene, the sub-tropical areas of Africa have experienced significant climatic changes related to the Earth's orbital parameters, which drive the oscillations of the Intertropical Convergence Zone (ITCZ) and the African monsoon, the main providers of rainfall in these regions. Between 11,000 and 5,000 years before the present (cal yr BP), the Sahara experienced a period of high precipitation, commonly referred to as the African Holocene Humid Period (AHHP) or the "Green Sahara" period, which resulted in the expansion of lake surfaces and vegetation. This is a key period in paleoclimatic history, the demographic distribution, and the civilization of the Sahara. However, very few studies were conducted on this period in the central Sahara due to the lack of continuous and well-dated sedimentary records, as most lakes dried up at the end of the AHHP around 5,000 cal yr BP, and most of the lacustrine deposits were mainly eroded by wind deflation. Consequently, many aspects of the AHHP are not chronologically synchronized across the continent and are subject to debate, including spatio-temporal variability, the timing of the onset and pace of the end, the limits of the ITCZ, the origin of air masses, and the quantification of precipitation amounts. This thesis work contributes to the improvement of knowledge by using unique and exceptionally continuous lacustrine sedimentary archives extracted from lakes (Lake Yoa) and crater paleolakes (Tibesti Massif, altitude >3000 m) in the Chadian Sahara, which cover the entire AHHP. This work made it possible, for the first time, to reconstruct the hydroclimatic variability in the central Sahara by combining the analysis of taxonomic assemblage and the measurement of the oxygen isotope composition of fossil diatoms (δ18Odiatom). Diatoms, not only constitute excellent bioindicators of paleolimnological conditions but also have the advantage of being constituted by an exoskeleton (the frustule) of biogenic silica (Si-O-Si) that records hydrological variations such as the isotopic composition of lake water (δ18Olake) or its temperature (Tlake). Using this approach, this thesis work made it possible to quantify the hydrological balance (Evaporation over Precipitation ratio, E/I) of the different lakes using a simple isotopic model. In addition, lake conductivity was reconstructed from a diatom-based transfer function. The lake ecosystems studied in this thesis highlighted the existence of two major lake phases during the Holocene: (1) A humid phase between 10,000 and 6,500 cal yr BP, marked by an abundance of planktonic diatoms, low conductivity values of the lake water, depleted isotopic signatures (low values of δ18Odiatom and δ18Olake) and positive hydrological balance (E/I<1). This phase, which reached its peak around 9,300 cal yr BP, would have been favored by the northward migration of the ITCZ, leading to increased summer monsoon rains. Additional moisture sources of northern origin from the Mediterranean area might also have reached the Tibesti region. (2): A second, relatively arid phase, beginning around 6,500 cal yr BP, is characterized by the dominance of benthic diatoms, enriched isotopic signatures, and a negative hydrological balance (E/I>1). This aridification, which led to a progressive termination of the PHHA in the Chadian Sahara after between 5,500 and 5,000 cal yr BP, is believed to be linked to the southward retreat of the ITCZ and therefore African monsoon rains.