Soutenance de thèse de Kurt VILLSEN

Ecole Doctorale
Sciences de l'Environnement
Spécialité
Sciences de l'environnement: Ecologie
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
Écologie trophique,Regime alimentaire,Poisson d'eau douce,Conservation,
Keywords
Trophic ecology,Diet,Freshwater fish,Conservation,
Titre de thèse
Les relations entre le régime alimentaire d’un prédateur, son habitat et ses proies : des perspectives pour la conservation de l’apron (Zingel asper)
The relationship between a predator’s diet, its habitat and its prey community: conservation perspectives for the Rhône Streber (Zingel asper)
Date
Vendredi 16 Décembre 2022 à 13:30
Adresse
Station Marine d'Endoume Ch. de la Batterie des Lions 13007 Marseille
Salle conférence Endoume
Jury
Directeur de these M. Alexander ERESKOVSKY CNRS
Rapporteur Mme Elsa BONNAUD Université Paris Sud
Rapporteur M. Jean-Nicolas BEISEL Ecole nationale du génie de l'eau et de l'environnement de Strasbourg
CoDirecteur de these M. Vincent DUBUT ADeNeko
Examinateur M. Jacques LABONNE INRAE
Examinateur Mme Diane ZARZOSO-LACOSTE Université de Picardie
Examinateur Mme Christine ARGILLIER INRAE
Examinateur Mme Leah BECHE EDF - Centre d'Ingénierie Hydraulique Environnement & Société

Résumé de la thèse

Dans le contexte de l'augmentation des facteurs de stress anthropiques sur les poissons d'eau douce en lien avec le changement climatique, la fragmentation et la modification des habitats, une meilleure compréhension de l’écologie trophique pour la gestion et la conservation des espèces. Cette thèse vise à améliorer la compréhension des processus à l’origine des variations de la niche trophique d’une espèce menacée d’extinction l’apron du Rhône (Zingel asper (L.)). J'ai ainsi pu relier la variation des traits trophiques individuels à l'ontogénie et la compétition intraspécifique. J’ai aussi pu mettre en évidence les relations complexes liant la variation intra-spécifique aux changements spatio-temporels des opportunités écologiques et de la structure de l’habitat. Ceci a pu être réalisé en combinant 1) des données robustes de régime alimentaire obtenues par metabarcoding; 2) un échantillonnage et une caractérisation détaillés de la communauté de proies et de la structure de l'habitat ; 3) des approches de modélisation (bayésiennes et causales) et simulation individu-centrées. Malgré des conditions climatiques et environnementales contrastées entre les localités de présence de l’apron, le régime alimentaire de l’apron se compose principalement de deux taxons qu’il sélectionne positivement (les éphémères Baetis fuscatus et Ecdyonurus), auxquels s’ajoute plusieurs proies secondaires (ex : chironomes et trichoptères). De plus, l’apron sélectionne positivement certaines espèces au sein du genre Baetis (notamment B. fuscatus) alors qu’il sélectionne négativement d'autres espèces (ex : B. lutheri), ceci sur l’ensemble de son aire de répartition. La variation du régime alimentaire chez l’apron se caractérise par une expansion adaptative de la niche trophique en automne, associée à une plus grande variation trophique interindividuelle et à des largeurs de niche individuelles plus étroites. J’ai en outre pu démontrer que la variation interindividuelle résultait d'un opportunisme alimentaire transitoire et non d'une spécialisation des individus. L’approche bayésienne et des analyses causales ont permis d’identifier et de caractériser les liens de causalité entre variation temporelle et spatiale des opportunités écologiques et de la structure de l'habitat et la variation intraspécifique des traits trophiques de l’apron. Alors que les proies préférées de l’apron sont le moteur principal de sa largeur de niche individuelle, les analyses causales ont révélées que la variation de niche inter-individuelle est déterminée principalement par la structure de l'habitat (notamment le niveau et l’hétérogénéité du colmatage dans la rivière), indépendamment de son effet sur la communauté de proies. En me basant sur ces nouvelles connaissances, j'ai développé un indice de qualité de la ressource trophique (RQI) pour l’apron, qui prend en compte l'abondance et l’hétérogénéité de la distribution spatiale des proies préférées et principales. Cet indice a ensuite pu être mis en lien avec la variation de l'état corporel et la variation de la niche individuelle chez l’apron. Le RQI pourra donc être utilisé dans le cadre de la conservation et de la gestion des populations d’apron, et pourrait être facilement étendu et/ou adapté à d'autres poissons benthivores. En plus d’améliorer la compréhension de l'écologie trophique de l’apron en fournissant des éléments déterminants concernant ses besoins alimentaires et sur les caractéristiques de l'habitat et des ressources qui lui sont favorables, ce travail a démontré comment la combinaison d'une caractérisation fine et robuste du régime alimentaire (par metabarcoding), de la communauté de proies et de la structure de l'habitat d'un prédateur avec des approches de modélisation et de simulation peut fournir des informations clés sur les moteurs (opportunité écologique et structure de l'habitat) de la variation des traits trophiques individuels.

Thesis resume

In the context of increasing anthropic stressors on freshwater fishes related to climate change, habitat fragment and modification, there is now an urgent need to better understand their trophic ecology to inform their conservation management. The trophic or feeding ecology summarises an essential biological requirement: the acquisition of food from the environment. As a part of an ongoing conservation effort, I characterised the trophic niche variation of the Rhône streber (Zingel asper (L.)), a critically endangered benthic fish species, endemic to the Rhone river basin. I further related individual trophic traits with ontogeny, intraspecific competition, and I disentangled the complex relationships between individual trophic variation and spatiotemporal changes in ecological opportunities. This was achieved by combining 1) a robust (highly validated) diet metabarcoding dataset; 2) an extensive sampling and comprehensive characterisation of prey community and habitat structure; 3) individual-based modelling and simulations, including Bayesian and Structural Equation Modelling. Despite contrasting climatic and environmental conditions between Z. asper populations, individual diets were composed of two main and preferred prey taxa (Baetis fuscatus and Ecdyonurus mayflies) and a combination of secondary prey (e.g. chironomids and caddisflies). Furthermore, I demonstrated that Z. asper positively selected some species within the Baetis genus (especially B. fuscatus) but negatively selected other Baetis species (B. lutheri), this pattern being consistent across its range. Diet variation in Z. asper was characterised by an adaptive seasonal trophic niche expansion (in autumn), associated with greater between-individual trophic variation, and narrower individual niche widths. Importantly, I demonstrated that between-individual variation arose from transient dietary opportunism rather than dietary specialisation. Bayesian and Structural Equation Modelling allowed me to identify the resource and habitats features that drive seasonal individual trophic traits variation in Z. asper, revealing that seasonal niche variation was associated with seasonal changes in ecological opportunities and habitat structure. While preferred prey were the major driver of the individual niche width of Z. asper, between-individual niche variation was mainly driven by habitat structure, and, to a lesser extent, by prey richness. Crucially, causal analysis revealed that the habitat structure directly influenced dietary variation, irrespective of its effect on the prey community, a novel finding in trophic ecology. Among the main individual drivers, substrate clogging was both associated with reduced preferred prey abundance and higher heterogeneity in the prey community, which simultaneously led to dietary divergence among individuals and narrower niche widths. From this base of knowledge, I developed a Resource Quality Index (RQI) for Z. asper which accounted for preferred and main prey abundance and their spatial distribution. I demonstrated that the RQI was related to ecologically significant variation in body condition (a proxy for fitness potential) and individual niche variation in Z. asper. The RQI will therefore be useful to inform the conservation and management of Z. asper and could be easily extended and/or adapted to other riverine benthivorous fishes. This work greatly improved our understanding of the trophic ecology of Z. asper, providing indispensable insights into its dietary needs and favourable habitat- and resource-conditions for its conservation. Furthermore, I demonstrated how combining a fine-scale and robust characterization of the diet (using metabarcoding), the prey community and the habitat structure of a predator and modelling and simulation approaches can provide important insights into the ecological factors (ecological opportunity and habitat structure) that drive individual trophic traits variation in the wild.