Soutenance de thèse de AURELIE TINLAND

Ecole Doctorale
Sciences de la Vie et de la Santé
Spécialité
Biologie-Santé - Spécialité Recherche Clinique et Santé Publique
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
Sans-abrisme,Un chez-soi d'abord,Rétablissement,Santé mentale Communautaire,Troubles psychiatriques sévères,
Keywords
Homelessness,Housing first,Recovery,Community mental health,Severe mental illness,
Titre de thèse
Efficacité d’un modèle innovant d’accès direct au logement et à un suivi intensif pour les personnes sans-abri atteintes de troubles psychiatriques sévères : le programme « un chez-soi d’abord »
Effectiveness of a model of direct access to housing with assertive community treatment team for homeless people with severe mental illness: the "Housing First" program
Date
Mercredi 9 février 2022 à 14:00
Adresse
Faculté des sciences médicales et paramédicales - site Timone 27 Bd Jean Moulin 13385 Marseille
Salle 1
Jury
Directeur de these M. Pascal AUQUIER Aix-Marseille Université / Assistance Publique Hôpitaux de Marseille
Rapporteur Mme Stéphanie VANDENTORREN Santé Publique France
Rapporteur M. Charles BONSACK Université de Lausanne / Centre Hospitalo-Universitaire Lausanne (Suisse)
Examinateur M. Nicolas FRANCK Université de Lyon / Centre hospitalier Le Vinatier

Résumé de la thèse

Le sans-abrisme constitue un problème social, économique et sanitaire, et les populations sans-abri font partie des plus vulnérables. Les services sociaux et sanitaires actuellement mis en place dans la plupart des pays occidentaux semblent globalement peu efficaces pour répondre à cette problématique, en particulier pour les personnes atteintes de troubles psychiatriques sévères. Ce travail a porté sur l’expérimentation en France du modèle Housing First, une intervention complexe proposant un accès direct et inconditionnel au logement ainsi qu’un accompagnement intensif de type Assertive Community Treatment par une équipe mobile pluridisciplinaire orientée vers le rétablissement. Sous la direction du Pr AUQUIER, nous avons mené un essai randomisé contrôlé multi-site appelé Un Chez-Soi d’Abord pour évaluer l’efficacité de cette approche comparativement aux services habituels de droit commun et spécifiques (Tinland et al., 2013). Cette expérimentation, soutenue par la DGOS, la DGS et pilotée par la DIHAL, était inspirée par plusieurs grands essais probants aux États-Unis et au Canada. Les systèmes d’accès aux soins, d’accès au logement et de prise en charge sanitaire ou médico-sociale de ces pays et de la France étant très différents, la généralisabilité de résultats nords-américains restait limitée. Nous avons montré au cours de ce travail que l’approche Un Chez Soi d’Abord permettait l’accès au logement et mettait fin au sans-abrisme d’une grande partie des personnes incluses dans le groupe expérimental, et qu’il constituait donc un facteur de conversion efficace d’un droit théorique (le droit au logement) en un fonctionnement de base concret (Tinland et al., 2020). Le critère principal de l’essai était un critère composite de recours aux soins (nombre et durée d’hospitalisations, nombre de recours aux urgences), et nous avons pu montrer une forte diminution du nombre de jours hospitalisés, en particulier en psychiatrie, dans le groupe Un Chez-Soi d’Abord comparativement au groupe témoin. Du fait du coût des journées d’hospitalisation, l’intervention se révélait coût-efficace du point de vue de l’État, les épargnes de coûts compensant totalement les dépenses engagées constituées par les coûts des équipes et de l’intermédiation locative. La réduction du nombre de nuits à la rue, du nombre de jours à l’hôpital ainsi que les épargnes de coûts sont des résultats robustes et cohérents avec la littérature internationale, malgré des systèmes sociaux et sanitaires différents. Les résultats cliniques sont quant à eux moins satisfaisants, comme dans les autres études randomisées sur le sujet. Les analyses longitudinales effectuées sur 24 mois montrent au total une amélioration significative de la santé mentale perçue (score composite mental de la SF36), ainsi que du bien-être psychique et de l’autonomie (dimensions de la S-QOL) comparativement au groupe témoin. Aucune différence significative n’est retrouvée en termes de symptômes perçus (MCSI), de rétablissement (mesurée par l’échelle RAS), ou de santé physique perçue (score composite physique de la SF36). La vulnérabilité de notre population d’étude, étudiée sous plusieurs aspects grâce aux données baseline (Tinland et al., 2017, 2018) persistait après l’entrée en logement, comme le montre l’absence d’amélioration des critères cliniques et de la mortalité (Tinland et al., 2021). La question de la prescription était transversale : difficultés d’observance de ce public (Tinland et al., 2017), difficultés des prescripteurs face aux douleurs chroniques et addictions (Fond et al., 2019) et enfin prescription restant associé à la mortalité en analyse multivariée (Tinland et al., 2021). Ces résultats plaident en faveur d’approches moins médicamenteuses et plus préventives, pour l’augmentation des ressources mises à disposition des individus, ainsi que pour l’accompagnement au développement de leurs ressources internes au travers de programmes communautaires et d’éducation à la santé.

Thesis resume

Homelessness is a social, economic and health problem, and homeless populations are among the most vulnerable. The social and health services currently in place in most Western countries appear to be generally ineffective in addressing this problem, particularly for people with severe psychiatric disorders. This work focused on the experimentation in France of the Housing First model, a complex intervention offering direct and unconditional access to housing as well as intensive support of the Assertive Community Treatment type by a multidisciplinary recovery-oriented mobile team. Under the direction of Pr AUQUIER, we conducted a multi-site randomized controlled trial called Un Chez-Soi d'Abord to evaluate the effectiveness of this approach compared to usual mainstream and specific services (Tinland et al., 2013). This experimentation, supported by DGOS, DGS and piloted by DIHAL, was inspired by several large successful trials in United States and Canada. As the systems of access to care, access to housing and health or medico-social care in these countries and in France are very different, the generalizability of North American results remains limited. In this work, we showed that Housing first approach allowed access to housing and ended homelessness for a large proportion of the people included in the experimental group, and that it was therefore an effective factor in the conversion of a theoretical right (the right to housing) into a concrete basic functioning (Tinland et al., 2020). The main criterion of the trial was a composite criterion of health care use (number and duration of hospitalizations, number of emergency visits), and we were able to show a large decrease in the number of inpatient days, particularly in psychiatric hospitals, in the Housing First group compared to the control group. Because of the cost of inpatient days, the intervention was cost-effective from the government's perspective, with the cost savings fully offsetting the expenses of the team and of the rental intermediation. The reduction in the number of nights on the street, the number of days in hospital and the cost savings are robust results consistent with the international literature, despite the different social and health systems. The clinical results are less satisfactory, as in other randomized studies on the subject. Longitudinal analyses conducted over 24 months showed a significant improvement in perceived mental health (SF36 mental composite score), psychological well-being and autonomy (S-QOL dimensions) compared with the control group, but no significant differences were found in terms of perceived symptoms (MCSI), recovery (measured by the RAS scale), or perceived physical health (SF36 physical composite score). The vulnerability of our study population, investigated in several aspects through baseline data (Tinland et al., 2017, 2018) persisted after housing entry, as evidenced by the lack of improvement in clinical criteria and mortality (Tinland et al., 2021). The issue of prescribing was cross-cutting: compliance difficulties in this population (Tinland et al., 2017), prescribers' difficulties with chronic pain and addictions (Fond et al., 2019) and finally prescribing remaining associated with mortality in multivariate analysis (Tinland et al., 2021). These results argue in favor of less medicinal and more preventive approaches, for increasing the resources available to individuals, and for supporting the development of their internal resources through community and health education programs.