Soutenance de thèse de Zakiyya Anissa JHUMKA

Ecole Doctorale
Sciences de la Vie et de la Santé
Spécialité
Biologie-Santé - Spécialité Neurosciences
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
Douleur non-viscérale,Chronique,Myo1a,Microbiote,Dysbiose,Environnement
Keywords
Non-visceral pain,Chronic,Myo1a,Microbiota,Dysbiosis,Environment
Titre de thèse
Interactions gène-environnement dans la chronicisation de la douleur non-viscérale : de la perte de fonction du gène Myo1a à la dysbiose environnement-dépendante du microbiote intestinal.
Gene-environment interactions in non-visceral pain chronification: from Myo1a loss of function to environment-dependent gut microbiota dysbiosis.
Date
Mercredi 15 Juillet 2020 à 14:00
Adresse
163 Avenue de Luminy, 13009 Marseille NB: la soutenance aura lieu par visioconférence compte tenu de la situation sanitaire actuelle liée au covid-19.
Visioconférence
Jury
Directeur de these M. Francis CASTETS IBDM
Rapporteur M. Stefan LECHNER Pharmakologisches Institut
Rapporteur Mme Ipek YALCIN INCI: Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives
CoDirecteur de these M. Aziz MOQRICH IBDM
Examinateur M. Valéry MATARAZZO INMED
Examinateur Mme Sophie LAFFRAY Université de Montpellier et Institut de Génomique Fonctionnelle (IGF Sud 125)

Résumé de la thèse

La douleur chronique correspond, par définition, à une douleur qui dure plus de 3 mois ou qui persiste au-delà du temps de régénération d’un tissu lésé donné. Elle touche plus d’1,5 milliard de personnes dans le monde, avec une incidence croissante de 16,2% chez les hommes et 24,8% chez les femmes. La prévalence de la douleur chronique ne cesse d’augmenter. Elle représente environ 20% des consultations médicales, avec des patients décrivants des symptômes tels que de l’allodynie et ou de l’hyperalgésie et dont 2/3 se déclarent insatisfaits de leurs thérapeutiques actuelles. Le traitement adéquat de la douleur est un droit humain et, pourtant, la douleur chronique demeure un fardeau socio-économique à l’échelle mondiale ; ce qui nécessite d’avantage d’investigation. Les mécanismes moléculaires qui sous-tendent l’établissement de douleur aigüe sont plutôt bien documentés / connus / renseignés. Cela dit, la transition d’un état de douleur aigüe à un état de douleur chronique demeure mal comprise et ce, notamment, du fait de l’hétérogénéité des facteurs de risque (sexe, génétique, âge, comorbidités, stress, environnement, contexte psychosocial, etc.). A ce propos, nos travaux décrivent, ici, des interactions gène-environnement qui supportent le développement de douleur chronique. Nous avons démontré que le gène Myo1a est spécifiquement exprimé dans des sous-populations de neurones sensoriels et qu’à la suite d’une douleur d’origine inflammatoire, post-opératoire ou neuropathique au niveau de la patte arrière, des souris mâles chez lesquelles Myo1a est déficient, développent une hypersensibilité mécanique chronique pouvant durer jusqu’à 30 jours. De manière intéressante, ce phénotype varie selon le sexe et l’environnement. En effet, nous avons montré qu’après une lésion de la patte arrière, des mâles chez lesquels le gène Myo1a est déficient (notés Myo1a KO) développent une hypersensibilité mécanique chronique lorsqu’ils sont générés dans des cages à génotype unique (CGU) tandis que ce n’est pas le cas lorsqu’ils sont produits dans des cages à génotype mixte (CGM). De plus, le croisement de souris Myo1a KO provenant de CGM, a abouti à la production d’une seconde génération de mâles Myo1a KO en CGU qui récapitule le phénotype douleur chronique original ; ce qui démontre que des interactions Myo1a-environnement sont impliquées dans la transition douleur aigüe-douleur chronique. Étant donné que Myo1a est fortement exprimé dans l'intestin où sa perte de fonction est associée à des défauts architecturaux, nous nous sommes demandés si une telle déficience pouvait aboutir à une dysbiose du microbiote intestinal qui, par extension, favoriserait la chronicisation de la douleur. Afin de répondre à cette question nous avons effectué un séquençage de l'ARNr 16S et avons démontré que, contrairement à des souris saines, les mâles Myo1a KO présentent, effectivement, une dysbiose du microbiote intestinal en CGU mais pas en CGM. De surcroît, nous avons procédé à un traitement prénatal des mâles Myo1a KO de CGU par métronidazole (un antibiotique) et avons montré que cela leur permettait une récupération significative après induction de douleur inflammatoire. En d’autres termes, au 30ème jour post-lésion tissulaire, ces souris ne présentaient plus d’hypersensibilité mécanique. Dans l'ensemble, nos résultats démontrent que les interactions entre une déficience du gène Myo1a et le microbiote intestinal favorisent le développement de douleur chronique non-viscérale. De plus, nous fournissons, ici, un certain nombre d’indices sur la façon dont un axe microbiote-intestin-cerveau serait capable moduler la transition douleur aigüe-douleur chronique. A l’avenir, la prise en compte des facteurs de risque chez chacun des patients offre des possibilités non-négligeables quant à la conception d'analgésiques à-la-carte.

Thesis resume

Chronic pain is defined in terms of pain that persists more than 3 months or beyond the healing time of a given injured tissue. It affects 1.5 billion people worldwide with a growing incidence of 16,2% in males and 24,8% in females, accounts for about 20% of physician visits, with patients experiencing symptoms such as allodynia and or hyperalgesia and two-thirds of sufferers reporting a clear dissatisfaction with current treatment. Access to appropriate pain treatment is a human right, yet chronic pain remains a major global socio-economic burden, which requires investigation. So far, the molecular mechanisms underlying the establishment of acute pain are well documented. However, the transition from acute to chronic pain is still poorly understood considering the heterogeneity of risk factors risk (gender, genetics, age, comorbidities, stress, environment, psychosocial context, etc.). Here, we describe gene-environment interactions supporting pain chronification. We have demonstrated that the Myo1a gene is expressed in specific subset of sensory neurons and that following either inflammatory, post-operative or neuropathic hind paw injury, male mice with a Myo1a deficiency develop a chronic mechanical hypersensitivity lasting up to 30 days. Interestingly, this phenotype is sexually dimorphic and environment-dependent. Indeed, we have shown that Myo1a KO males develop injury-induced chronic mechanical hypersensitivity only when produced under single genotype housing conditions (SGH) but not under mixed genotype housing conditions (MGH). Furthermore, crossing of Myo1a deficient mice from MGH produced a second generation of Myo1a KO males of SGH, which recapitulated the original chronic pain phenotype, thereby demonstrating that Myo1a-environment interactions are involved in the transition from acute to chronic pain. Because Myo1a is strongly expressed in the gut where its loss of function (lof) has been associated to architectural defects, we asked whether such lof may be associated to a gut microbiota dysbiosis supporting pain chronification. We performed 16S rRNA sequencing and demonstrated that in comparison to WT mice, Myo1a KO males exhibit a gut microbiota dysbiosis under SGH but not MGH conditions. Finally, we showed that a prenatal treatment of Myo1a KO males of SGH with metronidazole antibiotic produced a significant recovery following inflammatory pain. Put differently, these mice were no longer mechanically hypersensitive at day 30 post-injury. Taken together our findings demonstrate that interactions between Myo1a lof and gut microbiota support the establishment of non-visceral chronic pain but also provide clues in favor of how a microbiota-gut-brain axis may be modulating the transition from acute to chronic pain. In a near future, taking patients’ risk factors into consideration may allow the design of à-la-carte analgesics.