Soutenance de thèse de Hélène CARRIER

Ecole Doctorale
Sciences de la Vie et de la Santé
Spécialité
Biologie-Santé - Spécialité Recherche Clinique et Santé Publique
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
médecine générale,maladie chronique,multimorbidité,polymédication,déprescription,collaboration interprofessionnelle
Keywords
general practice,chronic disease,multimorbidity,polypharmacy,déprescription,interprofessional collaboration
Titre de thèse
Suivi et traitement des patients atteints de multimorbidité : opinions, attitudes et pratiques des médecins généralistes de ville.
Care management of patients with multomorbidity: opinions, attitudes and practices of ambulatory general practitioners.
Date
Jeudi 12 Décembre 2019 à 14:00
Adresse
27 Boulevard Jean Moulin, 13005 Marseille
Salle de thèse n°2
Jury
Directeur de these M. Pierre VERGER Aix-Marseille Université - IHU Méditerranée Infection
CoDirecteur de these M. Patrick VILLANI Aix-Marseille Université, Service de médecine interne, gériatrie et thérapeutique
Rapporteur Mme Maryse LAPEYRE-MESTRE Faculte de Medecine Universite Paul Sabatier - Toulouse 3, Service de Pharmacologie Médicale et Clinique, UMR-INSERM 1027
Rapporteur M. Laurent LETRILLIART Université Claude Bernard Lyon 1, EA 7425 HESPER
Examinateur Mme Sylvie BONIN-GUILLAUME Aix-Marseille Université, Service de médecine interne, gériatrie et thérapeutique, Institut des Neurosciences de la Timone UMR-INSERM 1106
Examinateur M. David DARMON Université de Nice-Sophia Antipolis, Département d'Enseignement et de Recherche de Médecine Générale

Résumé de la thèse

Contexte et objectifs. Les progrès dans la prise en charge des maladies chroniques a permis aux personnes qui en sont atteintes de vivre plus longtemps avec leur maladie. Ces maladies chroniques occupent ainsi une place de plus en plus importante en soins primaires. Une même personne peut être atteinte de plusieurs de ces maladies, on parle alors de multimorbidité. Une conséquence majeure de la multimorbidité est la polymédication des patients concernés, qui les expose à un risque de prescriptions potentiellement inappropriées et de iatrogénie. Le suivi et le traitement des patients atteints de multimorbidité revient en grande partie aux médecins généralistes (MG) et aux différents professionnels de santé de soins primaires qui interviennent auprès de ces patients. Ce travail de thèse avait pour objectif général d’explorer les opinions, attitudes et pratiques des MG français concernant les enjeux du suivi et des prescriptions médicamenteuses chez les patients atteints de multimorbidité. Plus spécifiquement, il a étudié leurs attitudes et pratiques concernant : la gestion de la polymédication et des prescriptions potentiellement inappropriées ; les freins, leviers et critères décisionnels de la déprescription ; le rôle des différents professionnels de santé dans le suivi et la gestion des ordonnances des patients ; les intérêts et limites des guides de bonnes pratiques relatifs aux maladies chroniques. Méthode. Une étude quantitative transversale a été menée par téléphone auprès d’un panel national de MG exerçant en ville. Le questionnaire a été élaboré à partir d’une revue de la littérature et des résultats d’une étude qualitative préliminaire. En complément de questions générales explorant les différents enjeux de la prise en charge de ces patients, deux vignettes cliniques décrivaient deux situations fréquentes de patients atteints de multomorbidité et polymédiqués. Ces vignettes ont notamment permis d’étudier les pratiques des MG face à des situations de dilemme thérapeutique mettant en balance le risque iatrogénique et le choix des patients. Résultats. Parmi les 1255 MG présents dans le panel pour cette enquête, 1183 ont répondu au questionnaire. La plupart d’entre eux assumaient leur rôle central dans la gestion de l’ordonnance, notamment vis-à-vis des spécialistes d’organe, et se disaient à l’aise pour déprescrire les médicaments qu’ils jugeaient inappropriés. Pourtant, divers obstacles existaient pour une majorité des MG concernant la gestion de la polymédication : des recommandations perçues comme utiles mais pas toujours adaptées aux situations de multimorbidité, voire susceptibles d’entrainer des interactions médicamenteuses ; une réprésentation de leurs patients globalement attachés à leurs prescriptions médicamenteuses. Face à des dilemmes thérapeutiques, une part non négligeable des MG acceptaient une prise de risque mesurée dans leurs prescriptions pour répondre aux préférences des patients. Concernant leur propension à collaborer avec les autres professionnels de santé, quatre profils de MG ont été identifiés, allant d’un désintérêt apparent pour la coopération interprofessionnelle à une collaboration « intensive », caractérisée, par exemple, par une opinion favorable vis-à-vis de l’intervention du pharmacien dans la gestion de l’ordonnance des patients. Conclusion. La multimorbidité et la polymédication font partie du quotidien des MG, qui manquent de données scientifiques et de guides pratiques sur lesquels appuyer leurs prises en charge. Orienter davantage la recherche sur les patients atteints de multimorbidité pourrait permettre de combler cette lacune. Accentuer la formation des futurs MG à la gestion de ces situations complexes, notamment en inter-professionnalité, est aujourd’hui indispensable.

Thesis resume

Background and objectives. Advances in the management of chronic diseases have allowed people to live longer with their diseases. The importance of these chronic diseases increases in primary care. Many people are affected by multiple chronic conditions, this situation is known as multomorbidity. A major consequence for patients with multimorbidity is polypharmacy, which involves a risk of potentially inappropriate prescriptions and iatrogenic risks. The management of patients with multimorbidity is largely assumed by general practitioners (GPs) and various health professionals involving in the patient’s care. The objective of this work was to explore the opinions, attitudes and practices of GPs regarding the management of patients with multimorbidity. In particular, it explored : the management of polypharmacy and potentially inapropriate prescribing; the barriers, enablers and decision criteria for deprescribing; the role of different health professionals in the management of patient prescriptions; the applicability of guidelines. Method. A cross-sectional study was conducted among a national panel of GPs in private practice. The questionnaire was developed from a literature review and the results of a preliminary qualitative study. In addition to questions exploring the different issues raised by the management of multimorbidity, two case vignettes described two frequent situations of patients with multimobidity and polypharmacy, in order to especially study GP’s practices when facing some therapeutic dilemma : the necessity to choose between minimizing iatrogenic risks and patient’s request for symptomatic relief. Results. Of the 1255 GPs in the panel for this survey, 1183 answered the questionnaire. Most of them assumed their central role in the prescription management and felt comfortable deprescribing medications they considered inapropriate. However, a majority of GPs percieved many barriers when managing polypharmacy: guidelines considered helpful but not always applicable in situations of multimorbidity, and which may lead to drug-drug interactions ; patients percieved to be attached to their medications. When facing therapeutic dilemma, some GPs choose to prioritise patients’ requests over iatrogenic risks. Regarding their propensity to collaborate with other health professionals, four profiles of GPs were identified, from an apparent lack of interest in interprofessional cooperation till an « intensive » collaboration including, for example, delegating some prescribing management to pharmacists. Conclusion. Multimorbidity and polypharmacy take a great part of GPs’ daily practice, but there is a lack of scientific data and pragmatic tools to help them in their managements. Further reasearch, focusing patients with multimorbidity, are needed to fill this gap. It is also essential to develop training of future GPs in the management of these complex situations, especially in a contxte of interprofessional collaboration.