Soutenance de thèse de Margaux ILLY

Ecole Doctorale
Sciences de la Vie et de la Santé
Spécialité
Biologie-Santé - Spécialité Ethique
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
Éthique,Consentement,Philosophie,Déontologie,Recherche clinique,
Keywords
Ethic,Consent,Philosophy,Professional ethics,Clinical research,
Titre de thèse
Du consentement en recherche clinique : approche philosophique des enjeux éthiques et déontologiques
Consent in clinical research: philosophical approach of ethical and professional ethics issues
Date
Jeudi 19 Septembre 2019 à 14:00
Adresse
Faculté des sciences médicales et paramédicales, 27 Boulevard Jean Moulin, 13385, Marseille
Salle des thèses
Jury
Directeur de these M. Pierre LE COZ Aix-Marseille Université
Rapporteur Mme Marta SPRANZI Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines
Rapporteur Mme Marie-Geneviève PINSART Université Libre de Bruxelles
CoDirecteur de these M. Jean-Louis MÈGE Aix-Marseille Université
Examinateur M. Pierre-Yves QUIVIGER Université Nice Sophia Antipolis
Examinateur Mme Isabelle PARIENTE-BUTTERLIN Aix-Marseille Université

Résumé de la thèse

Le consentement à la recherche clinique est une idée nouvelle concernant une pratique ancienne. Dans cet ouvrage, nous remontons jusqu’aux premières heures de l’expérimentation humaine, puis nous décrivons son évolution jalonnée de ce que nous qualifierons aujourd’hui de manquements graves à l’éthique. Les expériences menées sur des condamnés à mort, sur des enfants ou des sujets handicapés témoignent d’une propension sacrificielle qui a durablement jeté la suspicion sur la recherche biomédicale. Le procès de Nuremberg marque une rupture juridique et symbolique majeure qui inaugure l’éthique médicale moderne, centrée sur le respect de l’autonomie des personnes. Le Code international qui en a été tiré ultérieurement a été la matrice de nombreux changements normatifs qui se sont exprimés, durant toute la seconde moitié du XXème siècle et jusqu’à ce jour, à travers l’appel à la conscience personnelle et la responsabilité des médecins-chercheurs, ainsi que la consolidation de l’arsenal juridique en vue de rendre la recherche indépendante et impartiale. Cependant, parce que le droit ne saurait tenir lieu de réflexion éthique, des questions philosophiques, morales et déontologiques continuent à se poser s’agissant notamment du consentement de ses participants. Pour contribuer à leur élucidation, nous avons mené une enquête qualitative auprès de patients atteints d’asthme sévère non contrôlé et faisant partie d’un protocole de recherche. Leurs récits révèlent les paradoxes d’une liberté sous influence, qui s’exprime dans l’acte de confiance envers le corps médical et dans une oscillation entre droit de savoir et de ne pas savoir. Les patients (on pourrait en dire autant des personnes en général) évoluent au carrefour d’influences diverses, d’ordre interne et externe qui compromettent leur pleine liberté de participation aux essais, tout autant que leur niveau de compréhension des tenants et aboutissants d’une recherche médicale. Dès lors, le seul moyen de sauvegarder un consentement effectif est de poser des garde-fous : donner la possibilité de refuser ou de s’extraire de l’étude à tout moment, éviter de donner à la participation à l’essai la forme d’une cession, permettre aux parties prenantes d’accéder à la connaissance des principaux déterminants de l’acte qui leur est proposé. Nous avons, dans cette optique, étudié différents types contemporains de consentement en recherche clinique, en mettant en perspective les principales situations critiques de la recherche impliquant les personnes humaines : le cas des volontaires sains et malades, celui des personnes vulnérables dont celles qui participent à des essais précoces en cancérologie. Il ressort de notre analyse que la clé de voute du dispositif des essais cliniques à l’heure actuelle réside dans la confiance mutuelle. Pour autant, il ne s’agit pas du même type de confiance que celui qui a prévalu dans les siècles passés. La doctrine paternaliste, sous couvert de bienfaisance, a longtemps conféré au praticien une forme de suprématie douteuse où la « confiance » (régressive) du patient était censée dispenser le médecin de lui demander un consentement libre et éclairé. La confiance aujourd’hui ne doit plus être un alibi pour masquer un rapport de pouvoir mais un état d’esprit du patient fondée sur la transparence et l’intégrité du médecin-chercheur. C’est ce qui nous a conduit à mener une deuxième enquête auprès de professionnels de la recherche clinique, interrogeant leur rôle dans le processus de consentement et leur rapport personnel à la déontologie. Cette étude fait apparaitre un réel souci des investigateurs d’agir en accord avec leur conscience et avec un sens aigu de leur responsabilité morale. Cependant, malgré leur volonté de mettre en œuvre les valeurs de la déontologie, ils demeurent exposés à des influences diverses opacifiant leurs motivations et leur rapport à la liberté. Il en ressort un certain nombre d’apories philosophiques.

Thesis resume

Consent to clinical research is a new idea about an old practice. In this work, we go back to the early hours of human experimentation, then we describe its evolution marked by what we will today qualify as serious breaches of ethics. Experiments with death row inmates, children and people with disabilities all point to a sacrificial propensity that has long cast suspicion on biomedical research. The Nuremberg trial marks a major juridical and legal breakthrough that inaugurates modern medical ethics, centered on respect of autonomy. The subsequent International Code has been the matrix of many normative changes that have been expressed throughout the second half of the twentieth century and to this day, through the call to personal conscience and the responsibility of the researchers, as well as the consolidation of the legal arsenal to make research become independent and impartial. However, because the law cannot be used as an ethical reflection, philosophical and moral questions continue to arise regarding the consent of its participants. To contribute to their elucidation, we conducted a qualitative study involving patients with severe uncontrolled asthma participating to clinical trials. Their stories reveal the paradoxes of freedom under influence, expressed in the act of trust towards the medical profession and in an oscillation between the right to know and not to know. Patients (the same could be said about people in general) are at the crossroads of various internal and external influences that compromises their full freedom to participate in trials, as well as their level of understanding of the ins and outs of medical research. Therefore, the only way to have an effective consent is to set up safeguards: to give the possibility to refuse or withdraw from the study at any time, to avoid giving to the participation the form of a surrender, to give volunteers access to knowledge of the main determinants of the act proposed to them. We have, in this perspective, studied different contemporary types of consent in clinical research, putting into perspective the main critical situations of research involving human beings: the case of healthy and sick volunteers, the case of vulnerable people including those who participate in early trials in oncology. Our analysis shows that the keystone of the clinical trial device at the present time is mutual trust. However, it is not the same type of trust that prevailed in past centuries. Paternalistic doctrine, under the guise of beneficence, has long conferred to the practitioner a form of questionable supremacy in which the patient's (regressive) "trust" was supposed to dispense the physician from asking for informed consent. Trust today should no longer be an alibi for masking a power relationship but a patient's state of mind based on the transparency and integrity of the physician-researcher. This led us to conduct a second study involving clinical research professionals, questioning their role in the consent process and their personal relationship to professional ethics. This study shows a real concern of the investigators to act in accordance with their conscience and with a clear sense of their moral responsibility. However, despite their desire to follow the values ​​of professional ethics, they remain exposed to various influences clouding their motivations and their relationship to freedom. There emerges a number of philosophical aporias.