Soutenance de thèse de Sarah SAJN

Ecole Doctorale
Sciences Juridiques et Politiques
Spécialité
Doctorat en Science politique
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
Bosnie-Herzégovine,Union européenne,mémoire,action extérieure,commémoration,
Keywords
Bosnia and Herzegovina,European Union,memory,external action,commemoration,
Titre de thèse
« Sarajevo cœur de l'Europe » ?: Fabrique et performance de l'européanité en Bosnie-Herzégovine
'Sarajevo heart of Europe'?: The making and performance and of europeaness in Bosnia and Herzegovina
Date
Vendredi 16 Décembre 2022 à 14:00
Adresse
Sciences Po Aix / Espace Philippe Seguin 31 Avenue Jean DALMAS 13100 Aix en Provence
EPS 205
Jury
Directeur de these M. Philippe ALDRIN Aix-Marseille Université / Sciences Po Aix
Rapporteur Mme Laure NEUMAYER Université de Picardie Jules Verne
Rapporteur M. Bieber FLORIAN University of Graz, Austria
Examinateur Mme Jouhanneau CéCILE Université Paul Valéry
Président M. François FORET Université Libre de Bruxelles

Résumé de la thèse

En juin 2014, pour commémorer le centenaire du début de la Première Guerre mondiale et de l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand, une fondation regroupant des institutions de pays membres de l’Union européenne (UE) et la mairie de Sarajevo porte le projet de placer la capitale bosnienne au « cœur de l'Europe ». Le récit officiel de ces commémorations entend promouvoir une communauté́ européenne de destin et suggérer le rôle positif du processus d’intégration européenne dans la réconciliation et la pacification des sociétés. Or, cette intervention mémorielle est contestée par d’autres groupes d’acteurs, au premier rang desquels le parti de gouvernement en Republika Srpska qui soutient d’autres conceptions de l’histoire et de la communauté politique et organise ses propres "contre-commémorations". Cette thèse analyse la fabrique, et la performance de ces commémorations en se focalisant sur les divers groupes d'acteurs qui les portent et les contestent. Loin d’être le fait d’un acteur homogène ou nationaliste charismatique, ce dispositif mémoriel permet de comprendre les mécanismes d’exercice du pouvoir et de définition du collectif dans une configuration transnationale, en contexte post-conflit, postsocialiste et postcolonial. Cette thèse s’intéresse à la configuration d’acteurs transnationale que l’enjeu mémoriel de 2014 cristallise et nous donne à voir. À l’appui des outils fournis par la sociologie politique de la mémoire, de l’action publique et de l’international, cette thèse analyse les récits et les pratiques d’une grande variété d’acteurs (étrangers et bosniens, institutionnels et privés) qui investissent ou désinvestissent ce dispositif mémoriel. Cette thèse ne tente pas d’attester ou d’infirmer l’idée que la commémoration donnerait à voir une supposée « guerre des mémoires » bosnienne contrastant avec le modèle de réconciliation prôné par l’UE. En prenant comme point d’entrée ce moment mémoriel, ce travail vise plutôt à mettre en lumière les relations de domination inhérentes au gouvernement internationalisé en Bosnie-Herzégovine. À rebours d’une littérature scientifique présageant généralement un antagonisme structurel entre élites locales et internationales, échelles européennes et locales, cette recherche s’intéresse aux différentes modalités de l’articulation des récits et des pratiques d’acteurs ancrés dans des temporalités et sur des scènes plurielles. La thèse postule que les collusions et collisions entre élites, jouant de leur capital international et/ou d’autochtonie, façonnent, par la politisation du passé, une définition de l’européanité. Le volet empirique de ce travail s'appuie sur une enquête qualitative multi-située entre Bruxelles, Sarajevo et Višegrad. La méthode adoptée combine analyse d’archives (littérature grise, archives privées et documentation publique), réalisation d’entretiens (avec des employés et représentants de diverses institutions nationales, d’autorités locales et d'ONG, des militants, des artistes) et séances d’observations liées aux coulisses et aux scènes de la commémoration.

Thesis resume

In June 2014, to commemorate the centennial of the start of the First World War a foundation bringing together institutions from the European Union (EU) member countries and the Sarajevo City Council took on the project of placing the Bosnian capital in the 'heart of Europe'. The official narrative of these commemorations promotes a European community of destiny and suggests the positive role of the European integration process for the reconciliation and pacification of societies. However, the EU intervention in memory politics is a highly contentious one. In particular the government party in Republika Srpska, the second entity of Bosnia and Herzegovina, carries different conceptions of history and of the political community and designed its own commemoration. The thesis analyses these commemorations in their making, their performance. It focuses on the way they are designed but also challenged by various groups. Far from being the work of a homogeneous actor or a charismatic nationalist one, these commemorations allow us to understand the mecanisms of the exercise of power and the definition of political community in a post-conflict, post-socialist and post-colonial context. This thesis focuses on the transnational configuration of actors that the memorial issue of 2014 gives insight into. Using the tools provided by sociological research on memory, public action and international politics, it analyses the narratives and practices of a wide variety of actors (foreign and Bosnian, institutional and private) who take part in the commemoration. This thesis does not attempt to debate the widespread idea that the commemoration proves the existence of a supposed Bosnian "war of memories" contrasting with the reconciliation model advocated by the EU. Instead, this memorial moment is an entry point to shed light on the relations of domination inherent to the international government in Bosnia and Herzegovina. Contrary to a scientific literature that generally presumes a structural antagonism between local and international elites, European and local scales, this research is interested in the articulation of narratives and practices of actors anchored in plural temporalities and scenes. The thesis argues that collusions and collisions between elites, that rely on both local and international resource, shape une definition of Europeanness through the politicisation of the past. The thesis is based on a multi-sited qualitative field research between Brussels, Sarajevo and Višegrad. The methodology combines archival analysis (grey literature, private archives and public documentation), semi-structured interviews (with employees and representatives of various national institutions, local authorities, NGOs, activists and artists) and observations of the backstage and stage of the commemoration.