Soutenance de thèse de Nathalie FERRE

Ecole Doctorale
Sciences Juridiques et Politiques
Spécialité
Doctorat en Science politique
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
champ faible,monde social,institutionnalisation,coopération décentralisée,« société civile »,savoirs et pouvoirs
Keywords
weak field,social worlds,European external action,decentralized cooperation,institutionalization
Titre de thèse
L'Euro-Méditerranée, de grands projets pour un « petit monde » : sociologie localisée de réseaux réformateurs entre l'Europe et le Maghreb (1970-2020)
The Euro-Mediterranean, big projects for a "small world": a sociological approach to reformist networks between Europe and the Maghreb (1970-2020)
Date
Mercredi 15 Décembre 2021 à 14:00
Adresse
Sciences Po Aix, Espace Philippe Seguin 31 avenue Jean Dalmas 13100 Aix-en-Provence
101
Jury
Directeur de these M. Philippe ALDRIN Sciences Po Aix-en-Provence
Rapporteur Mme Myriam CATUSSE Institut français du Proche-Orient
Rapporteur Mme Cécile ROBERT Sciences Po Lyon
CoDirecteur de these M. Mohamed TOZY Sciences Po Aix-en-Provence
Examinateur Mme Elsa RAMBAUD Institut d’études politiques de Strasbourg
Examinateur M. Eric CHEYNIS Université de Haute Alsace, Mulhouse

Résumé de la thèse

À la fin de la guerre froide, des hommes et quelques femmes se sont attelés au projet de refonder les relations euro-méditerranéennes. Au sein d'une nébuleuse d'acteurs (élus, fonctionnaires nationaux et européens, chercheurs, experts, diplomates, salariés d'associations ou de fondations), ils ont œuvré à construire la Méditerranée en « problème public ». À une période pendant laquelle la Méditerranée est considérée sous l'angle d'une frontière séparant le « Nord » et le « Sud », source de potentielles « menaces » pour la sécurité européenne, ces entrepreneurs d'Euro-Méditerranée élaborent des solutions pour faire face à l' « urgence » : repenser une politique de la Méditerranée en s'appuyant sur des pratiques de coopération des territoires développées en contexte post-colonial. Multipliant les colloques, les publications, les associations, ils tentent de s'imposer dans le débat académique sans négliger d'investir les arènes discrètes du pouvoir et des administrations. Dans leur entreprise de réforme, ces réseaux s'adossent et tirent leurs ressources des espaces politiques, académiques et administratifs européens et nationaux, formant ainsi un champ faible. Cette thèse porte sur la genèse et l'institutionnalisation d'une « solution décentralisée », destinée à réformer les relations entre l'Europe et le Maghreb. Le Partenariat euro-méditerranéen (1995) constitue pour ces acteurs un « moment fondateur » paradoxal. D'un côté, il participe à institutionnaliser des pratiques et des solutions promues au cours des décennies précédentes à travers la catégorie d'action publique de « société civile ». De l'autre, les attentes de transformations politiques structurelles placées dans le processus sont rapidement déçues. La thèse questionne comment les pratiques du non-gouvernementalisme se maintiennent pendant plus de vingt-cinq ans à la faveur du passage d'un projet politique méditerranéen à une « Méditerranée de projets », au sein de laquelle la bureaucratisation et la dimension symbolique prédominent. Dans un contexte politique adverse, le « petit monde » de l'Euro-Méditerranée constitue un refuge politiquement désamorcé où les « grands projets » pour la Méditerranée et leur traduction en actes, trouvent une prolongation. Pour produire la sociologie du champ faible de l'Euro-Méditerranée, l'enquête de terrain suit des acteurs organisés à la frontière de plusieurs espaces sociaux entre Barcelone, Bruxelles, Marseille et Tunis. La thèse s'appuie sur un corpus de données plurielles (archives, entretiens, observations, statistiques) recueillies à travers une enquête multi-située conduite entre 2014 et 2020. La thèse entend ainsi contribuer au renouvellement des approches préexistantes des politiques euro-méditerranéennes, majoritairement ancrées dans les relations internationales, par l'étude localisée du « transnational » et la variation des échelles de l'analyse (micro- et méso-sociologique).

Thesis resume

From the end of the Cold War onwards, a wide range of actors (elected officials, national and European civil servants, researchers, experts, diplomats, employees of charities or foundations) have taken on the project of reshaping Euro-Mediterranean relations and the Mediterranean as a public problem. While at the time the Mediterranean was considered as the border separating the "North" and the "South" and a potential "threat" to European security, these Euro-Mediterranean entrepreneurs developed solutions to face the "emergency": rethinking Mediterranean policy based on cooperative practices developed in a post-colonial context. Organizing multiple conferences and publications, and founding charities, they tried to dominate the academic debate without neglecting the arenas of power and administrations. In their reform enterprise, these networks have anchored themselves in and draw resources from European and national political, academic and administrative spaces, thus forming a "weak field". This thesis focuses on the making and institutionalization of a "decentralized solution" to reforming relations between Europe and the Maghreb. The Euro-Mediterranean Partnership (1995) constituted a paradoxical "founding moment" for these actors. On the one hand, it recognized practices and solutions promoted over the previous decades through the category of "civil society". On the other hand, the high expectations of structural political transformations placed on the process quickly led to disappointment. This thesis questions how the practices of non-governmentalism were maintained for more than twenty-five years through the transition from a Mediterranean political project to a "Mediterranean of projects", in which bureaucratization and the symbolic dimension predominated. In an adverse political context, the "small world" of the Euro-Mediterranean constitutes a politically neutralized refuge within which the "big projects" for alternative Mediterranean futures and their translation into acts take place. To map the Euro-Mediterranean "weak field", this research follows actors from Barcelona, Brussels, Marseille and Tunis. This thesis is based on multi-sited and mixed-method field research (archives, interviews, observations, statistics) conducted between 2014 and 2020. The methodology renews pre-existing approaches to Euro-Mediterranean policies, mostly rooted in international relations, through the localized study of the "transnational" and the variation of the scales of analysis (micro- and meso-sociological).